St.Croix (C.H.)

Marti 11.11.2008
 
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(Rêve)
 
  Pe peretele dinspre nord al scorburii,albit de uitare, scorojit de griji, mînjit de contradictii, unde, cu timpul apàrurà niste mici muguri ;muguri curajosi decisi sà dea viatà ramurilor vajnice …
 
  Je regarde le mur nord de ma skorboura, blanchi par manque de lumière et écaillé par trop de soucis, taché par les contradictions successives et déformé par les inspirations d’un jour d’automne et les délires d’une nuit d’été…

   Le passage inéluctable des années, laisse, dans un design parfait,  les cercles cachés jusqu'à la mort des troncs des arbres ; ainsi, chaque mouvement, chaque naissance d’idée, chaque douleur d’un regard, chaque regret, chaque vague sentimentale, chaque victoire, chaque nouveau départ, mais surtout chaque arrivée, le plus petit bio courent qui traverse mon cosmos à moi, eh bien tout ça, laisse à jamais des traces dans ma skorboura. 

Debout, en extase face à mon passé, modeste face à mon présent et impatient face à mon avenir, je me rends compte qu’il y a des bourgeons, des très vaillants bourgeons qui sont en train de percer l’épaisse couche de moisissure qui couvre le mur nord de ma skorboura. Ça leur fait mal, et les larmes oblongues et cristallines en témoignent !          

   L’écoulement au début liquide, (presque boueux à la fin)  déforme tout sur son passage. Il sculpte avec maestria les alluvions entassées à droite et à gauche dans un slalom savant entre les disputes avec moi-même, lutte sans cesse contre le ridicule, victoire d’un jour contre l’éphémère invincible…

   Au bout de leurs forces, avec les dernières miettes d’énergie, une fois arrivées à la base du mur, les larmes ou plutôt ce qu’il en reste, apportent ce qui formera bien tôt des larges deltas qui abriteront sous un ciel de jade, sous les battements d’ailes des pélicans,  des espèces rares en voie de disparition (des rêves jamais racontés, des désirs trop audacieux, des phantasmes aplatis par l’impondérable et les lourds outilles qui dans un bruit de forge donneront la véracité aux amours impossibles, la foi aux non-croyants, la vue à ceux qui ont peur de regarder…)

   Je reste assis, le dos vers la lumière que je laisse s’éparpiller sur ces bourgeons qui luttent pour la vie qui grandit.

 

   … optimisme transmissible, très véhément et contagieux à tout jamais, épanouissement obligatoire…

 

   Devant la lumière du feu, je manque d’oxygène et l’âme se sent obligée de battre des ailes ; le cœur bat plus vite, les paumes moites ont besoin de toucher la terre.

   La lumière du feu est vite chassée par la lumière de l’eau.

   La bataille se déroula d’après des règles strictes et peu connues (… ?) ; elle fut longue, sanglante et finira dans un vacarme d’une Vraie procréation !

 
 
 
 
 
(1)

   Accroché d’une branche, un immense cétacé pendouillait arythmique avec indifférence et me regardais avec ses yeux de mort. Hideux dans sa putrescible immobilité, trop triste et répugnant dans l’immensité de son odeur fétide et disgracieuse comme seulement un corps sans vie peut être !

   Ses yeux de mort… Ils sont si graves ; dans leur rétine j’ai pu lire des slogans (lozïnka) affreux. Dans les combles humides de la grande synagogue de Moscou, ils sont (mal) traduits dans toutes les langues ; ils sont aussi capables de prévoir la vision paradisiaque de la plus laide société que l’humanité

a pu créer !
 
 
(2)

   Sur une autre branche, tordue par l’higrassié (moisissure très humide et sale), un rêve s’accroche au passé qu’il prend pour l’avenir. Voici son histoire : 32 janvier 2513 - il est noyé dans le marc des soupirs à multe échos, mais il se débat et à la fin il arrive à faire surface … il ne faut pas confondre les sables mouvant de la vallée Orinoco avec les pétales des roses  fraîchement cueillies dans la vallée de Maritza … une fois l’équilibre retrouvé il commence à fredonner « Asa începe dragostea » (« voici comme l’amour commence »)

   Nourrit par ses propres arguments (Ineptzia), il grandit, retrouve l’harmonie et ne pense qu’à lui-même, à son corps de plus en plus tentaculaire … puis à son âme et à sa force de persuasion. La lutte sera rude ; le plus difficile est de se convaincre soi-même. Le reste, un jeu d’enfant ?

   Des mois et des mois vont passer avant qu’il ne comprenne qu’il est né trop… tôt, beaucoup trop tôt !

   Une nouvelle lutte commence ; d’adaptation à son temps, son époque, avec ces bruits et odeurs et ces silences… la solitude lui apporte le froid il essaye de se réchauffer devant le miroir avec ses propres regards pleins d’amour envers soi même ; il se prend dans ses bras et s’administre une berceuse

 

   Sa rêverie n’est autre qu’un exercice de style, un jeu de métaphores un mélange de souvenirs et de désirs jamais réalisés, de longs discours tenus devant la foule et des mots jamais prononcés, ni devant le miroir.

   Mais aussi des gestes mille fois répétés et savourés et comparés à l’immobilité créative de l’esprit

   Des bras et des torses figés, entrelacés, incarcérés dans des contorsions grotesques. Des soupirs se prélassent lascifs comme des taches sur la main qui serre fort, très fort, une cheville inesthétique… ; des paroles sans sens coulent symboliquement d’une bouche trop approchée d’un coude luxé ; les cervicales trop raides chantent un psaume de plaisir au contact d’un dos cabré. Dans cet amalgame, le rêve se retrouve,

  Se redresse,

   Lave son esprit,

   Secoue sa crinière,

   Reprend son temps,

   Il est de nouveau lui-même, adapté à son ère, sa volonté est de nouveau parmi nous, prête à nous faire profiter de toutes ses qualités incontestables.

 

   Avec sa main désossée, il prend une feuille blanche, et sûr de lui marque en haut de la page la date et puis, en gros, le titre « PLAN B ».

 
 
(3)

   Sur la troisième branche, dans un équilibre très instable, une piste de danse aussi verte qu’une table de billard et aussi grosse qu’un Stadion vide …

   Une lumière bleutée et crue la balayait ; les voilà  … les danseurs, les deux danseurs, ils sont là, seuls,  entrelacés comme s’ils faisaient un seul, vifs, crédibles, émouvants…

   Lui, habillé en Coco Chanel avec des bretelles rouges pendouillâtes jusqu’aux genoux ; le jabot, vert fenouil, en contraste avec les boutons de manchette couleur cerise-ecrasée, bordés par un filigrane plastifié, nacré. Dans le contexte, le blanc de la chemise en soie est fade, ennuyeux, presque révoltant, rappelant une tache de marmelade bulgare sur la Victoire de la Samothrace. Les chaussures, sans lacets avec des talons en verre. Sur le dos, en lettres fluo est marqué « I love the milk !»

   Elle laisse sa tête tomber en arrière ; son regard, flèche partie vers qui ? vers ou ? trace un portatif virtuel sur le quel s’accroche les fruits de l’imagination ; de mon imagination ! (voir « fenêtre helvète » www.skorboura.com )  le tissu transparent s’accroche ou il peut, pour ne pas tomber ; les plis se suivent s’entre aident, et puis s’étalent sur la plage brûlante des cuisses, en imitant sans succès les vagues d’une mer agitée …Leurs coins sursautent en découvrant des zones interdites. Les yeux audacieux sont vite punis pour leur insolence par des souffles d’air brûlant qui brisent les iris, brûlent les paupières !

   Lui, avec sa longue trompe gluante et sans vergogne, après avoir redressé sa mèche grisonnante l’entoure avec tendresse et patience. La tendresse de l’araignée ; la patience du bourreau sûr de l’inéluctabilité du dénouement. Oui, il attendra avec un regard gourmand la fin de la danse pour la dévorer parole après parole, soupir après soupir, regard après regard. Et à la fin du festin, lorsque d’elle ne restera que le corps et l’âme, et bien, alors, lui, en ruminant tout ce qu’il venait d’avaler il va s’étaler sur la table de cuisine ; les couteaux longs et aiguisés sortiront de leurs étuis, un par un,  et trouveront en vibrant leurs cibles… leurs vibrations, hymne de la mort, l’au-delà tant aimé, tant désiré !

   Le sang giclera incolore et inodore des veines blessées

   … La mort
  …  L’immobilité

  …  Sa vie fut courte, fut remplie, comme il l’a voulu…

 
 
 
 

   Je regarde le mur nord de ma skorboura, blanchi par manque de lumière et écaillé par trop de soucis, taché par les contradictions successives et déformé par les inspirations d’un jour d’automne et les délires d’une nuit d’été…

 

 Le cétacé, le rêve et la piste de danse  décidèrent d’y rester, bien à leur place, sur le mûr nord de ma skorboura                   

 
 
                        
 
 
                                 FIN
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